L'enlisement de la guerre à Gaza fait-il planer le spectre d'une fuite des cerveaux hors d'Israël ?

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Pays d'immigrants, Israël s'inquiète de l'émigration de ses citoyens dans le contexte post-7 octobre 2023.

Selon des sources officielles relayées par le site IsraelValley, en 2024, le nombre d'Israéliens ayant quitté leur pays (82 700) a dépassé celui des entrées (56 000).

"Et pour la première fois depuis longtemps", le mouvement migratoire vers l'État hébreu est resté très inférieur aux départs, note la même source.

Le départ d'Israéliens très instruits et laïques

Cette tendance pourrait s'amplifier : selon une enquête Ci Marketing citée par Haaretz, 40 % des Israéliens encore présents dans le pays envisagent de partir.

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Qui sont les Israéliens quittant le pays ? 81 % ont entre 25 et 44 ans, toujours selon les chiffres cités par le journal de gauche israélien.

Il s'agit de populations généralement très instruites et laïques, analysait The Jewish Independent fin 2024 : des Israéliens qui ont plus de chances de s'intégrer dans d'autres sociétés.

"Il semble qu’il ait un phénomène qui pourrait s’apparenter, à certains égards, à une forme de fuite des cerveaux", estime David Rigoulet-Roze, chercheur à l’institut français d’analyse stratégique (IFAS) et spécialiste du Moyen-Orient.

"Ce phénomène toucherait principalement les Israéliens ashkénazes, plutôt de gauche, comme l’étaient les fondateurs laïcs de l'État", précise l'expert.

Fuir un Israël illibéral et en guerre

Ce phénomène a été accéléré par les guerres menées par l'armée israélienne depuis le 7-Octobre. "La vie ici devient insupportable. J'ai le sentiment qu'on me vole mon droit de me sentir chez moi ici", témoigne ainsi Shira, une femme de 41 ans interrogée par Haaretz, qui se dit "sûre de partir", interrogée par Haaretz.

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Mais le malaise des élites intellectuelles israéliennes avait "commencé avant le 7-Octobre, avec le développement par Netanyahu d'une culture politique illibérale", explique David Rigoulet-Roze.

Début 2023, le gouvernement Netanyahu lançait une réforme controversée visant à affaiblir les pouvoirs de la Cour suprême, pièce-maîtresse des institutions. L'initiative avait alors provoqué une mobilisation inédite dans l'histoire du pays, marquée par des manifestations rassemblant jusqu'à plusieurs centaines de milliers de personnes.

Face à la pression, Netanyahu avait suspendu temporairement la réforme en mars, avant d'en relancer une partie durant l'été.

La quête d'une vie meilleure

La politique n'est pas le seul moteur de ces élites, dont le départ est aussi guidé par l'espoir de meilleures conditions de vie, nuance Sara Yael Hirschhorn, historienne à l'université de Haïfa et chercheuse au Jewish People Policy Institute de Jérusalem.

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Elles partent aussi simplement parce qu'elles peuvent se le permettre, résume cette Américaine établie en Israël : émigrer vers des pays comme les États-Unis est plus facile si vous parlez anglais, possédez un deuxième passeport, et disposez d'aptitudes utilisables hors du pays, notamment dans la tech.

"Offrir un meilleur avenir à ses enfants est souvent un facteur de départ, mais pouvoir vivre ailleurs est un privilège en Israël", résume l'historienne.

La chose est prise au sérieux par les autorités israéliennes, qui évoquent "la fuite des cerveaux sans ambiguïté", estime l'experte.

Début 2025, la commission de la Knesset en charge de l'immigration, de l'intégration et de la diaspora tenait un débat qualifié d'urgent sur le thème "la préparation du pays à la migration négative et ses conséquences".

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Ces conséquences pourraient impacter l’économie. "Start-up Nation" du Moyen-Orient, pionnier de l'IA, l'État hébreu a construit une partie de sa puissance sur sa matière grise, mise au service de la tech. Israël demeure le deuxième exportateur mondial de solutions de cybersécurité, juste derrière les États-Unis.

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De la fuite des cerveaux à une pénurie de soldats ?

"Le départ des élites inquiète d'autant plus les dirigeants qu'il s'inscrit dans un contexte démographique tendu", ajoute David Rigoulet-Roze.

Comme sous d'autres latitudes, les franges les plus éduquées affichent un taux de natalité plus faible que celui des couches les plus religieuses.

Avec son taux de croissance actuel, la population ultra-orthodoxe, 13,5 % de la société aujourd'hui, représentera 35 % de la population juive d'ici 2059, selon les projections de l'Israel Democracy Institute. Or, tout comme les citoyens arabes d'Israël – excepté les Druzes –, les juifs ultra-orthodoxes ne sont pas soumis au service militaire obligatoire, rappelle David Rigoulet-Roze.

“De quoi poser à Israël – outre la fuite des cerveaux – un autre problème, en termes de viabilité sécuritaire et stratégique”.

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