"Qu'est-ce qu'ils croient, ces petits morveux ?" : il y a plus de 60 ans, Jean Gabin adressait un message très franc à la nouvelle génération de réalisateurs

Date: Category:Français Views:1 Comment:0


Pour le résumer vite, la Nouvelle vague est un mouvement cinématographique formé par d'anciens critiques de la revue Les Cahiers du cinéma qui a décidé que le cinéma devait "filmer la vie" et que la caméra ne devait pas être posée dans un studio à capturer une histoire factice fabriquée en toc.

Les critiques des Cahiers, futurs réalisateurs de la Nouvelle Vague, n'avaient pas été tendres envers les films de Jean Gabin durant les années 50, qu'ils jugeaient parfois avec un mépris affiché. Mais Gabin semblait de son côté être plutôt ouvert à la discussion avec ceux qui l'attaquaient.

"Avant la guerre, c'était moi la Nouvelle Vague"

Dans son ouvrage Gabin, André Brunelin reproduit une discussion qu'il avait eu avec l'acteur à propos de la bande Godard, Truffaut, Rivette et les autres :

"Vos amis de la Nouvelle Vague, qu'est-ce qu'ils croient, ces petits morveux ? Que je suis fini et plus capable de m'intéresser à un genre de cinéma différent de celui que je fais ? D'abord, en quoi il est nouveau leur cinéma ? Leurs films racontent une histoire, non ? Moi je suis pour les histoires, alors !"

PUBLICITÉ

"(...) La Nouvelle Vague, je sais ce que c'est. Avant la guerre, c'était moi... (...) Je sais qu'il y en a parmi eux qui ont du mal à montrer leurs films. Qu'ils viennent me trouver avec une bonne histoire, et je les aiderai. Comme j'ai aidé Carné et Renoir. S'ils m'offrent un beau rôle, quelque chose d'intéressant, qu'ils tournent ça en mettant la caméra au plafond ou en filmant à travers leur poche, qu'est-ce que j'en ai à foutre, si le résultat est bien ?"

La Nouvelle Vague n'a pas voulu lui donner sa chance

Et effectivement, aucun réalisateur de la Nouvelle Vague, dont certains des critiques avaient vigoureusement éreinté les films de Jean Gabin et de ses metteurs en scènes habituels depuis son retour de la guerre, notamment François Truffaut qui en parlait ironiquement comme "la Qualité française".

Gabin ne tournera avec aucun des représentants de la Nouvelle vague, mais sera ravi de travailler avec l'un de ses illustres acteurs, Jean-Paul Belmondo. Durant le début des années 60, ce dernier avait un pied dedans, un pied dehors, tournant avec Henri Verneuil et les dialogues de Michel Audiard dans La Française et l'amour et A bout de souffle avec Jean-Luc Godard, l'un des fers de lance de la Nouvelle Vague. Quoi qu'il en soit, la rencontre Belmondo-Gabin dans Un singe en hiver a donné un classique aux répliques culte.

"Il ne rêvait que de ça"

Dans le numéro du magazine Schnock consacré à Gabin publié en 2018, son fils Mathias Moncorgé confirmait le rapport compliqué de son père Jean à la Nouvelle Vague :

PUBLICITÉ

"Il était beaucoup plus moderne qu'on ne le pensait, et pour ça qu'aujourd'hui il est encore apprécié. Il était fou de colère quand on parlait de la Nouvelle Vague. Quand le cinéma est passé du muet au parlant, il fut un peu lui-même l'emblème d'une nouvelle vague avec Carné, Renoir, Duvivier. Il n'a jamais compris que la bande des Cahiers du cinéma ne fasse pas appel à lui.

Il aurait aimé tourner avec eux. Un jour, nous avons dîné avec Chabrol. Quand il a su que papa n'attendait que cela, Chabrol s'est décomposé. Il n'a jamais osé, alors qu'il ne rêvait que de ça !"

Article original publié sur AlloCiné

Comments

I want to comment

◎Welcome to participate in the discussion, please express your views and exchange your opinions here.