
TECH - Oubliez WhatsApp, Telegram ou Signal. Une circulaire signée par François Bayrou le 25 juillet dernier, repérée par Politico jeudi 31 juillet, réclame aux administrations publiques et tout particulièrement aux « cabinets ministériels » de « déployer largement » la messagerie chiffrée française Tchap à partir du 1er septembre prochain. Et ce, « afin d’assurer la sécurité des conversations et des informations partagées » face aux risques d’ingérences étrangères.
Tchap est une messagerie instantanée « spécialement développée pour les agents du secteur public », peut-on lire sur le site web officiel. « Cet outil sécurisé et souverain est opéré par l’État (Direction interministérielle du numérique), et garantit la confidentialité totale des échanges professionnels. Hébergé sur le cloud du ministère de l’Intérieur, Tchap offre une sécurité optimale et une maîtrise publique de son fonctionnement », est-il encore écrit.
Sa création vient répondre à la remise en question de la sécurité de certaines messageries étrangères pourtant censées être cryptées. L’application Telegram, très utilisée dans la sphère publique pendant de longues années, est par exemple tombée en disgrâce. Notamment depuis 2024 et l’interpellation en France de son fondateur franco-russe Pavel Dourov, accusé de laisser prospérer sur sa plateforme des activités criminelles – trafic de drogues, d’armes, ou encore exploitation sexuelle d’enfants –, et de refuser de coopérer avec les autorités françaises.
Les applications venues des États-Unis comme WhatsApp ou Signal ne font pas non plus l’unanimité, surtout depuis la signature du Cloud Act en 2018, une loi fédérale pouvant forcer les entreprises américaines à livrer toutes leurs données, même celles stockées à l’étranger. Peu rassurant donc lorsque l’on doit communiquer en France à propos de discussions parfois sensibles.
« Un chiffrement des données de bout en bout »
Un risque qui est pris au sérieux au sommet de l’État. « Les agents publics sont exposés à un risque croissant d’interception de leurs communications électroniques, mettant en péril la confidentialité de leurs échanges. En plus de ce risque, ils sont confrontés à un nombre croissant de cyberattaques », écrit François Bayrou dans sa circulaire.
« Certaines messageries commerciales dites sécurisées sont sous l’influence de pays étrangers, qui sont susceptibles de mettre en œuvre des mesures techniques ou juridiques pour accéder aux communications échangées », poursuit le Premier ministre.
D’où la nécessité d’utiliser un réseau de messagerie instantané sécurisé et souverain. Visuellement, Tchap se présente comme une messagerie comme une autre, avec la possibilité de l’utiliser sur son smartphone ou son ordinateur, et avec la création de discussion avec un ou plusieurs interlocuteurs. Elle comprend également un annuaire des agents publics inscrits. « Conçue pour faciliter les échanges au sein de la sphère publique, elle garantit un chiffrement des données de bout en bout », précise encore la circulaire.
Déjà une première application recommandée
Tchap n’est néanmoins pas la première application de ce type. En 2023, l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne avait déjà signé une première circulaire réclamant l’utilisation de la messagerie instantanée chiffrée Olvid, développée par une entreprise française, « sur les téléphones et ordinateurs des membres du gouvernement et des cabinets ministériels ». Mais la bascule vers Tchap, une plateforme créée et pilotée directement par les autorités, témoigne d’une volonté encore accrue de se prémunir de cyberattaques ou de fuites de données.
Si la date du 1er septembre a été donnée par le Premier ministre pour commencer ce déploiement massif de Tchap, on en est aujourd’hui encore bien loin. Ainsi, selon la circulaire, « plus de 300 000 agents » utilisent Tchap de « façon récurrente » sur les... plus de 5,7 millions d’agents publics en France. Mais la priorité est avant tout donnée à « renforcer la sécurité des informations échangées dans les ministères et les administrations ».
Conscient de la complexité de radicalement transformer les pratiques et usages, François Bayrou indique par ailleurs dans sa circulaire que « les cabinets ministériels utilisant actuellement la solution Olvid, qui répond également aux objectifs de sécurité susmentionnés, peuvent continuer à utiliser cette solution ». Tout « en privilégiant néanmoins Tchap dès qu’il s’agit d’échanges avec les administrations de l’État ».
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