"On a fait une erreur historique": il y a 30 ans, la Russie, les États-Unis et les Britanniques promettaient déjà à l'Ukraine des "garanties de sécurité"

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Comment prévenir une nouvelle agression russe? Alors que les négociations s'accélèrent aux États-Unis, le président ukrainien Volodymyr Zelensky réclame que des "garanties de sécurité" soient accordées à Kiev si jamais un accord de paix venait à être signé.

Si les Ukrainiens veulent à tout prix éviter que se répète l'invasion russe de 2022, ils ont aussi été échaudés par la signature de précédents textes qui n'ont pas suffi à garder leurs frontières inviolées. Le mémorandum de Budapest, en 1994, en fait partie.

L'Ukraine privée de la dissuasion nucléaire

Signé par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Russie dans la capitale hongroise, ce document visait à dénucléariser l'Ukraine tout en protégeant sa souveraineté. À la chute de l'URSS, des milliers d'ogives soviétiques étaient en effet stationnées sur le territoire ukrainien, faisant de facto du pays la troisième puissance nucléaire mondiale.

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Avec ce mémorandum, Kiev acceptait de remettre ses armes à la Russie et d'intégrer le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) en tant qu'État non doté de l'arme. Des traités identiques étaient signés la même année avec deux autres ex-république soviétiques, la Biélorussie et le Kazakhstan.

"À partir du moment où l'Ukraine renonçait aux armes nucléaires qui étaient stationnées sur son territoire et qu'elle les rendait à la Russie, elle se privait d'un instrument de dissuasion. Donc, les grandes puissances de l'époque, y compris la Russie, se sont engagées à ne pas intervenir et à préserver la sécurité de l'Ukraine", explique le général Jérôme Pellistrandi, consultant défense pour BFMTV.

Le premier article du mémorandum indique que "la Fédération de Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique réaffirment leur engagement envers l’Ukraine, conformément aux principes énoncés dans l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, de respecter son indépendance et sa souveraineté ainsi que ses frontières existantes".

Un texte inefficace

Ce texte n'a malheureusement pas suffi à empêcher l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qui a renié ses engagements en violant l’intégrité territoriale ukrainienne. Volodymyr Zelensky y a fait allusion le 4 mars 2022, au neuvième jour de l'invasion russe, dans un discours pointant l'immobilisme des Occidentaux.

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"Tout ce que l’Alliance a réussi à faire jusqu’à présent, c’est de transporter cinquante tonnes de carburant diesel pour l’Ukraine par le biais de son système d’approvisionnement. Probablement pour que nous puissions brûler le Mémorandum de Budapest", déclarait le président ukrainien dans son allocution.

Pour les 30 ans de la signature du mémorandum, le président ukrainien dénonçait encore un "document n'a pas fonctionné un seul jour". "Et grâce à cela, chacun dans le monde saura désormais qu’une simple signature – de n’importe quel État – ou des assurances ou des promesses ne suffisent pas à garantir la sécurité", ajoutait-il.

Si le mémorandum de Budapest n'a pas arrêté les chars russes, c'est parce qu'il n'engageait pas concrètement les signataires à intervenir en cas de violation des engagements pris. Il prévoyait simplement des consultations entre les parties et un recours au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Cet angle mort s'explique notamment par le contexte dans lequel le texte a été rédigé. "On a l'époque une Russie dirigée par Boris Eltsine qui est très affaiblie et explose de partout. Les Occidentaux considéraient qu'on avait gagné la guerre froide et que c'était une affaire réglée", contextualise le général Pellistrandi. Quant à l'Ukraine, "elle était dominée par les oligarques et ne suscitait pas un fort intérêt de l'Ouest".

Politique américaine de non-intervention

"L'argument juridique a été le prétexte, à mon avis assez fallacieux, utilisé par les Américains et les Britanniques pour ne pas intervenir en 2014" lors de l'annexion de Crimée, avance de son côté Nicolas Tenzer, enseignant en géostratégie à Sciences Po.

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"Ça s'inscrivait aussi dans une politique d'Obama de non-intervention", poursuit auprès de BFMTV le spécialiste des relations internationales, auteur de Notre Guerre (Ed. de l'Observatoire, 2024). Un an plus tôt, le président démocrate avait en effet renoncé à frapper le régime syrien après les attaques chimiques dans la Ghouta, renonçant à ses propres "lignes rouges".

"Si Barack Obama était intervenu en 2014, je pense que la Russie, qui était à l'époque bien moins armée qu'aujourd'hui, aurait reculé", poursuit Nicolas Tenzer. En refusant d'intervenir, le président américain a "démonétisé la crédibilité de la parole américaine", estime-t-il.

L'épisode de Budapest est resté gravé dans la mémoire des Ukrainiens. "On leur a fait confiance, mais en fait, on a fait une erreur historique. Aujourd'hui, les Ukrainiens ont le sentiment de payer cette erreur de leur propre sang", déclarait un soldat ukrainien à Franceinfo en mars dernier. "Si on avait encore ces armes nucléaires, Poutine n'aurait jamais osé attaquer l'Ukraine", regrettait un autre militaire.

"Aujourd'hui, même si le président Zelensky ne le montre pas, les Ukrainiens demeurent extraordinairement sceptiques sur la volonté américaine de les protéger", souligne Nicolas Tenzer. À ce stade, peu de détails ont émergé des réunions entre Donald Trump et les dirigeants européens, ce lundi à la Maison Blanche. Le président américain s'est contenté d'évoquer "des garanties qui seraient fournies par divers pays européens, en coordination avec les États-Unis d'Amérique".

Article original publié sur BFMTV.com

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