Le Kremlin veut la paix, mais fait la guerre. Malgré l'intensification des négociations pour mettre fin à l'invasion russe et après un sommet inédit entre Donald Trump et Vladimir Poutine en Alaska, la Russie continue de bombarder les villes ukrainiennes.
Dans la nuit de mercredi à ce jeudi 21 août, l'armée russe a lancé 574 drones et 40 missiles, un chiffre qui n'a pas été atteint depuis une vague de frappes de plus de 700 projectiles début juillet. "L'ennemi a attaqué avec 614 armes de frappe aérienne", a indiqué l'armée de l'air ukrainienne sur Telegram, assurant avoir abattu 546 drones et 31 missiles.
Ces frappes ont tué deux personnes, une à Kherson et une autre à Lviv, dans l'ouest du pays, une zone d'habitude moins visée par les bombardements, ont indiqué les autorités locales. Des explosions ont également retenti à Kiev toute la nuit.

"Poutine ne veut pas arrêter la guerre et ne l'a jamais voulu"
Comment interpréter cette recrudescence guerrière, au beau milieu de pourparlers menés sous la houlette des États-Unis? "Vladimir Poutine espérait obtenir tout ce qu'il souhaitait du sommet en Alaska et que Donald Trump arrache de Kiev une sorte de capitulation dans la foulée, ce n'est pas ce qui s'est produit", décrypte sur BFMTV Ulrich Bounat, analyste géopolitique et spécialiste de l'Europe centrale et orientale.
En poursuivant son assaut contre l'Ukraine, le Kremlin "envoie le message que plus les négociations dureront et plus il frappera l'Ukraine. Donc Kiev devrait, selon les Russes, déposer les armes dès maintenant plutôt que de tenter de résister à leur puissance", poursuit Ulrich Bounat.
Nicolas Tenzer, enseignant en géostratégie à Sciences Po et spécialiste de la Russie, estime sur BFMTV que ces frappes sont une nouvelle preuve que "Poutine ne veut pas arrêter la guerre et ne l'a jamais voulu".
Une analyse que partage le gouvernement français. Les frappes russes menées dans la nuit de mercredi à jeudi "illustrent l'absence de volonté de la Russie de s'engager sérieusement en faveur de pourparlers de paix", a affirmé ce jeudi un porte-parole de la diplomatie française. "Alors que la Russie se dit prête à négocier, elle poursuit dans le même temps ses attaques meurtrières sur le territoire ukrainien", a ajouté le Quai d'Orsay.
Le sommet Poutine-Zelensky s'éloigne
Dans ce contexte, la perspective d'un sommet entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, voulu par Donald Trump d'ici deux semaines, semble s'éloigner. Le président ukrainien a affirmé qu'une rencontre avec son homologue ne serait possible qu'après avoir déterminé les grandes lignes d'un accord avec les Occidentaux sur les garanties de sécurité pour l'Ukraine.
Mais de son côté, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a indiqué ce jeudi que tout déploiement d'un contingent militaire européen en Ukraine, évoqué par Washington comme l'une de ces possibles garanties de sécurité, serait "inacceptable" pour Moscou.
Le diplomate russe a un peu plus jeté le doute sur la possibilité même d'une rencontre Zelensky-Poutine en remettant en cause la légitimité du président ukrainien. Selon lui, le sommet ne peut avoir lieu "qu'à condition que, lorsque viendra le moment de signer de futurs accords, la question de la légitimité de la personne signant au nom de l'Ukraine ait été résolue". Le chef de la diplomatie russe a enfin accusé l'Ukraine de ne pas vouloir un "règlement juste et durable" du conflit ouvert par Moscou en 2022.
"À l'heure actuelle, les signaux envoyés par la Russie sont tout simplement indécents. Ils essaient de se soustraire à la nécessité d'organiser une réunion", a réagi Volodymyr Zelensky dans son adresse quotidienne sur les réseaux sociaux.
"On est dans une impasse complète", résume le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale et consultant défense pour BFMTV.
"Je ne vois pas comment on peut organiser la moindre discussion dans ces conditions, sauf à ce que Zelensky vienne signer sa reddition", avance notre expert.
Une "riposte" ukrainienne soutenue par Trump ?
Pour la diplomatie française, les frappes russes de la nuit "témoignent (...) de la nécessité de maintenir et de renforcer la pression sur la Russie". "Les Russes ont mené cette attaque comme si rien n'avait changé, comme si aucune action mondiale n'était menée pour mettre fin à cette guerre. Cela exige une réponse", a dénoncé de son côté Volodymyr Zelensky en regardant vers Washington, précisant qu'une entreprise américaine d'électronique avait été bombardée.
Lors du sommet en Alaska, Donald Trump avait échoué à obtenir de Vladimir Poutine un cessez-le-feu et s'était rangé derrière la demande russe de "conclure directement un accord de paix qui mettrait fin à la guerre". Mais l'inflexibilité du Kremlin dans les négociations et la guerre qui se poursuit sur le front semblent mettre à mal sa position.
Au lendemain des nouveaux bombardements russes, le président américain a posté sur son réseau social Truth un message énigmatique. "Il est très dur, voire impossible, de remporter une guerre sans attaquer le pays envahisseur", écrit-il. "Joe Biden, malhonnête et grossièrement incompétent, n'a pas laissé l'Ukraine RIPOSTER, seulement SE DÉFENDRE", ajoute le républicain, sans dire s'il comptait davantage soutenir l'armée de Kiev.
Le président américain a publié dans la foulée un montage mettant en parallèle sa rencontre avec Vladimir Poutine en Alaska et un échange entre Richard Nixon et le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev, en pleine guerre froide.
Donald Trump, qui alterne menaces et rapprochement avec le Kremlin, se retournera-t-il contre son homologue russe? Jacques Faure, ancien ambassadeur français en Ukraine, dit sur BFMTV "espérer que ce que la Russie a fait cette nuit le fasse réfléchir".
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