
POLITIQUE - Un parti politique peut-il décider du journaliste chargé de suivre son actualité ? En refusant d’accréditer Olivier Pérou, rubricard au Monde et coauteur du livre à succès La Meute (Éd. Flammarion), à ses « Amfis » de rentrée, La France insoumise s’expose à de vives critiques. D’abord de la part du milieu médiatique, puisque Le Monde et Libération ont fermement condamné cette décision, rappelant l’importance de leur « indépendance éditoriale ».
Les protestations sont aussi venues de responsables politiques qui, à gauche comme à droite, reprochent au mouvement de Jean-Luc Mélenchon de porter atteinte à la liberté de la presse et de recourir à un procédé qui n’aurait été utilisé jusque-là que par l’extrême droite. La secrétaire nationale des Écologistes Marine Tondelier estime ainsi que le travail des journalistes doit être respecté « partout » et « tout le temps ». « Simple. Élémentaire. Vital pour nos démocraties », a-t-elle écrit sur X.
Comment Jean-Luc Mélenchon tente d’enflammer les rentrées politique et sociale
L’ancienne députée LFI Raquel Garrido, mise de côté l’été dernier après une série de désaccords, considère que « si Olivier Pérou est aujourd’hui ciblé, c’est parce que la vérité fait mal ». « Son éviction par le service de presse [de La France insoumise] est une pure vengeance et aussi, au passage, un avertissement aux autres journalistes », poursuit-elle. Apportant son « soutien » au journaliste empêché, l’ancienne chroniqueuse appelle les rédactions à « ne pas accepter l’intimidation » : « Dans l’intérêt des lecteurs et lectrices, il faut une presse libre, indépendante et rigoureuse. » L’ex-députée européenne Karima Delli déplore, elle, « la dérive autoritaire grave » dont se rendrait coupable La France insoumise.
En retour, certains proches de Jean-Luc Mélenchon ont tenté de justifier leur décision. Le député LFI Paul Vannier met en avant plusieurs erreurs commises selon lui par le journaliste dans son livre paru au printemps : « La publication de fausses informations, l’absence de contradictoire, les atteintes multiples à la vie privée, l’animalisation de la principale force d’opposition de gauche »… Autant de « manquements » qui justifieraient de refuser à Olivier Pérou l’entrée à son événement de rentrée. En outre, dans une réaction transmise à l’AFP, La France insoumise assure que « les principes qui régissent la liberté d’information sont assortis de règles déontologiques (respect du contradictoire, protection de la vie privée, rigueur, sources multiples) ». « Celles-ci ont été largement bafouées » dans La Meute.
Mélenchon prendra la parole en fin de journée
« Parfois les journalistes dérangent, révèlent des faits que certains auraient préféré dissimuler. En aucun cas cela ne justifie de les bannir d’un événement, juge pour sa part le président du groupe PS au Sénat Patrick Kanner. Quand on est attaché à la démocratie, on ne trie pas les bons et les mauvais journalistes ». L’ancien ministre de la Santé Aurélien Rousseau, désormais député Place Publique des Yvelines, est sur la même longueur d’onde. « Quand on respecte l’État de droit, on ne s’attaque pas à la liberté de la presse et on supporte la contradiction. Quand on ne défend pas ces principes, c’est difficile de prétendre incarner la gauche… », exprime-t-il.
Au centre, à droite et à l’extrême droite, les opposants à La France insoumise y ont vu un nouvel angle d’attaque. Tel le parti Renaissance qui, sur son compte officiel X, dénonce « un naufrage absolu », estimant que « LFI copie les méthodes autoritaires du RN ». Le parti de Marine Le Pen est en effet régulièrement critiqué pour sa propension à « choisir » les journalistes autorisés ou non à couvrir les événements qu’il organise. « Interdire à des journalistes de travailler en toute liberté et en toute indépendance, c’est s’attaquer à un pilier de notre démocratie », fustige la formation dirigée par Gabriel Attal. La députée LR Virginie Duby-Muller, pour qui « la liberté de la presse n’est pas négociable », explique « qu’interdire un journaliste aux universités d’été de LFI, c’est avouer que la vérité dérange ».
Les « Amfis » se poursuivent tout le week-end, avec un discours de Jean-Luc Mélenchon attendu ce vendredi 22 août à partir de 17h30.
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