
FÉMINISME - C’est un drame qui a bouleversé les Pays-Bas. Dans la nuit du 19 au 20 août, une adolescente de 17 ans prénommée Lisa est morte, victime d’une violente attaque au couteau alors qu’elle rentrait chez elle à vélo, après avoir passé la soirée chez des amies.
Selon le quotidien belge néerlandophone Het Nieuwsblad, Lisa aurait quitté la place Leidseplein, dans le centre d’Amsterdam, vers 3h30 du matin pour rentrer chez elle à vélo électrique, tandis que le reste du groupe prenait un taxi. L’adolescente roulait depuis peu lorsqu’elle s’est aperçue qu’un homme la suivait. « L’inconnu a commencé à la harceler et à l’agresser. Visiblement paniquée, la jeune fille a immédiatement appelé le numéro d’urgence 112 pour demander l’aide de la police. Mais la situation a rapidement dégénéré et la police a entendu en direct la jeune fille être agressée », rapporte le média.
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À leur arrivée sur les lieux, localisés grâce aux données de son téléphone, les agents de police ont découvert le corps sans vie de Lisa sur le bas-côté de la piste cyclable. Il s’était déroulé moins de dix minutes depuis son appel. Son meurtrier, lui, a eu le temps de prendre la fuite.
« Je revendique la nuit »
L’annonce de la mort de Lisa le lendemain a créé un très fort émoi dans le pays. D’autres témoignages de femmes, elles aussi agressées dans l’espace public alors qu’elles étaient seules, ont émergé dans les médias. Comme celui de cette Néerlandaise, traînée dans les buissons et agressée sexuellement quelques jours plus tôt, ou celui de cette autre femme, poursuivie par un homme le jour du meurtre de Lisa. « Je rentrais du travail et, au coin d’une rue, j’ai vu un homme qui avait l’air normal, mais qui s’est mis à me courir après », témoigne-t-elle auprès de Het Nieuwsblad.
Mais au-delà de la peur, les femmes néerlandaises ressentent de la colère et de l’indignation. Ces dernières ont massivement partagé et commenté un texte écrit par l’autrice Nienke Gravemade d’abord sur Instagram, puis dans le quotidien national Het Parool.
« Pourquoi ne prend-elle pas un taxi avec ses amies ? Est-ce sage de faire du vélo seule ? » Dans son texte viral, Nienke Gravemade rapporte « la honte » qu’elle a immédiatement ressentie après s’être posé de telles questions. « Car comment oserais-je la rendre complice ? D’où sortons-nous, en tant que société, l’audace de rendre les filles et les femmes complices de leurs propres malheurs, de leurs propres traumatismes, de leur propre mort ? », poursuit l’autrice, qui regrette de n’être jamais en sécurité lorsqu’elle se promène seule la nuit.
« La nuit est celle de l’homme dans les buissons, du sexe sans consentement et de la mort qui nous talonne. (...) L’obscurité nous impose encore plus de restrictions, de limites et de manque de liberté. Je revendique la nuit. Je revendique les rues. (...) J’exige que les filles de 17 ans rentrent chez elles en toute sécurité », conclut Nienke Gravemade, qui a adjoint à son texte sur Instagram le hashtag #rechtopdenacht (« droit à la nuit », en néerlandais).
Récupération politique
Liké près de 250 000 fois, le post Instagram Nienke Gravemade a suscité un vaste mouvement d’adhésion aux Pays-Bas pour réclamer des rues sûres pour les femmes, quelle que soit l’heure à laquelle elles s’y trouvent. Une cagnotte en ligne a été lancée dans la foulée pour financer une campagne de sensibilisation « Nous revendiquons la nuit » et créer une vaste prise de conscience sur les féminicides. Elle a, à l’heure où nous écrivons ces lignes, récolté plus de 510 000 euros. Dimanche 24 août, lors d’un match de football, le club de l’Ajax Amsterdam a tenu une minute de silence en la mémoire de Lisa.
Mais comme souvent lorsqu’il s’agit de violence envers les femmes, la récupération politique n’est jamais loin, d’autant que ce féminicide intervient deux mois avant des élections législatives anticipées aux Pays-Bas. Lorsque l’identité du suspect, un demandeur d’asile de 22 ans, a été dévoilée dans la presse le 22 août, Geert Wilders, dirigeant du parti d’extrême droite Parti pour la liberté, a exigé sur X « le blocage total de l’asile » aux Pays-Bas, rapporte Courrier International.
Une mesure qui n’aurait sans doute pas beaucoup d’effet sur le nombre de féminicides dans le pays, assure Marieke Liem, professeure de psychologie criminologique à l’université de Leyde. Si elle ne remet pas en doute le supplice vécu par Lisa, elle rappelle auprès de la NOS que ce n’est pas dans la rue que les femmes sont les plus en danger. Aux Pays-Bas comme en France et ailleurs dans le monde, la grande majorité des femmes assassinées connaissent leur agresseur. Dans plus d’un cas sur deux, ce dernier est « leur partenaire ou ex-partenaire », rappelle l’experte.
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