Depuis trente ans, les Français n’ont jamais eu autant de mal à boucler les fins de mois qu’aujourd’hui. Le taux de pauvreté a atteint en 2023 son plus haut niveau depuis 1996, révèle une étude de l’Insee publiée lundi 7 juillet. La pauvreté en France touche le nombre record de 9,8 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté monétaire, fixé à 1 288 euros par mois pour une personne seule, soit 60 % du niveau de vie médian. Roubaix, ville la plus pauvre de France, illustre ces difficultés.
Elle est le symbole de cette France qui souffre
Dans un rapport publié fin 2024, l’Observatoire des inégalités évalue lui à 5,1 millions le nombre de pauvres dans l’Hexagone. Avec 46% de ses habitants vivant sous le seuil de pauvreté, Roubaix figurait en tête du triste palmarès des villes les plus pauvres de France d’après les chiffres de l’organisme indépendant. C’est environ 31 points de plus que la moyenne nationale. L’ex-capitale du textile est devenue celle du chômage et près d'un Roubaisien sur deux se trouve dans une grande précarité financière. "C'est pas surprenant, c'est vrai. On a juste à se balader dans cette rue-là pour voir la pauvreté des gens", confiait en décembre dernier une employée à Roubaix à BFM Grand Lille.
Si Roubaix se démarque comme commune la plus pauvre, la région des Hauts-de-France reste gangrénée par la précarité. "Les Hauts-de-France représentent une France populaire avec de plus dures difficultés qu’ailleurs. Le Nord ou encore l'Aisne avoisine un taux de pauvreté proche des 19%", soulignait Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités, en décembre 2024. Et de poursuivre : "C’est une région marquée par la désindustrialisation, une grande vague d'immigration à l'après-guerre et une politique de construction de logements sociaux".
Elle est surnommée la "Manchester française"
Le riche passé industriel de Roubaix appartient à l’histoire ancienne. Capitale mondiale de la laine au XIXe et lors de la première moitié du XXe siècle, la ville "aux mille cheminées" a joué un rôle moteur dans la révolution industrielle qui a transformé la région de Lille. Pôle majeur du textile, la cité nordiste s’est longtemps développée au rythme des usines. Symbole d’une ville-usine qui tournait à plein régime, les maisons mitoyennes en briques rouges pour loger les ouvriers arrivés des campagnes voisines et de l’étranger (Belgique, Pologne, Italie, Afrique du Nord…) ont poussé comme des champignons. Cette croissance fulgurante autour du textile s’est accompagnée d’une explosion démographique et d’une urbanisation massive. Ce qui vaudra à Roubaix d’être surnommée la "Manchester française" en référence à sa grande sœur anglaise, berceau de la révolution industrielle.
Frappé de plein fouet par la désindustrialisation de la France à partir des années 60-70, le bastion du textile a assisté impuissant aux délocalisations massives vers les pays à bas coût de production. Incapables de s’adapter et de se moderniser face à la concurrence, de nombreuses entreprises roubaisiennes ont baissé le rideau. Le tissu économique local s’est progressivement effondré entraînant avec lui chômage et précarité.
Elle a fait pleurer Robert de Niro
Si les touristes se font rares à Roubaix, ceux qui s’y aventurent ne manqueront pas de visiter la piscine Art déco de Roubaix dans laquelle plus personne ne nage depuis 40 ans. Réouverte en 2001 après seize longues années de travaux, le musée expose des pièces de tissu, des céramiques, des peintures, des sculptures et beaucoup d’autres choses. Le magazine américain Architectural Digest l’a récemment classé comme l’un des dix plus beaux bâtiments Art déco du monde.

En 2005, le lieu fait parler de lui dans le monde entier lorsque l’acteur américain Robert De Niro fond en larmes en découvrant l’exposition consacrée à son père, Robert De Niro Sr. "Il n’avait jamais vu les œuvres de son père réunies dans un musée. Lors de la conférence de presse, on se serait cru au Festival de Cannes, avec des flashs qui crépitaient sans arrêt. De Niro était tellement gentil. Tous les gardiens ont eu leur photo avec lui", se souvient le directeur cité par Le Parisien.
Elle a proposé des maisons à 1 euro
En 2018, la mairie de Roubaix, inspirée par l’exemple de Liverpool, lance un dispositif inédit en France : la vente de maisons pour la somme symbolique d'un euro. Pour être éligible, les acquéreurs doivent faire du bien leur résidence principale pendant au moins six ans, être primo-accédant et effectuer d’importants travaux de rénovation. Objectif de cette mesure : lutter contre le délabrement de certains quartiers.
En 2022, soit quatre ans après le début de l’expérimentation, 9 maisons sur les 17 proposées à la vente étaient habitées. À la charge des propriétaires, le coût des travaux a grimpé jusqu’à plus de 222 000 euros pour les moins chanceux. Certains ayant fait le pari de la maison à 1 euro ont finalement renoncé, faute de financement par la banque pour les travaux. Questionnée par La Voix du Nord en 2022, la municipalité a toujours défendu cette idée arguant qu’elle permettait aux revenus modestes d’accéder à la propriété.
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