
POLITIQUE - Censurera, censurera pas ? C’est peu dire que la décision du Conseil constitutionnel sur la très contestée loi Duplomb, ce jeudi 7 août, est très attendue. Le texte, qui prévoit la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide toxique, réunit contre lui une large opposition. Au-delà de la gauche et des écologistes, de nombreux scientifiques, la Ligue contre le cancer et l’Ordre des médecins ont fait savoir qu’il était néfaste pour la santé humaine et pour l’environnement.
Au travers d’une pétition mise en ligne sur le site de l’Assemblée, plus de 2 millions de Français demandent à Emmanuel Macron de ne pas promulguer la loi ou, tout du moins, d’organiser une nouvelle séance de discussion au Parlement.
Loi Duplomb : une majorité de Français favorables à un nouveau vote - EXCLUSIF
Mais seront-ils entendus par le Conseil constitutionnel ? Les Sages ont été saisis de deux recours, et doivent se prononcer sur la conformité du texte à la Constitution. Il existe un scénario où une partie (voire l’entièreté) de la loi tombe. Les députés LFI, écologistes et communistes ont déposé un recours commun, dénonçant l’incompatibilité de certaines mesures de la loi avec la Charte de l’environnement, intégrée à la Constitution en 2005. Selon eux, le droit à un environnement sain est compromis par la loi Duplomb. Auprès de Mediapart, le constitutionnaliste Dominique Rousseau estime aussi « qu’il y a des motifs objectifs et sérieux pour que la loi soit jugée comme portant atteinte [à ce principe] ».
Pas d’amendement, pas de débat
À noter que même le gouvernement, dans ses observations écrites envoyées au Conseil constitutionnel, admet que la réintroduction de l’acétamipride « vient effectivement limiter le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Reste que le Conseil constitutionnel n’a jamais fait valoir la Charte de l’environnement pour retoquer une loi, contrairement au Conseil d’État. Pire : il a laissé passer les dérogations accordées à l’utilisation de néonicotinoïdes en 2020.
Sur le fond, rien ne dit donc que les Sages feront obstacle à la loi. C’est sur un autre registre que les opposants au texte espèrent obtenir en réalité gain de cause. En effet, le Conseil constitutionnel est aussi saisi d’un recours sur la façon dont les débats ont été menés à l’Assemblée. Le processus qui a permis au texte d’être adopté est là en cause.
On rembobine. Au moment où les députés devaient plancher sur le texte, la droite a usé d’un stratagème particulièrement pernicieux : la procédure accélérée. Pour empêcher le débat, LR, Renaissance, le MoDem et Horizons ont voté une motion de rejet préalable qui a eu pour conséquence d’envoyer le texte directement en commission mixte paritaire. À huis clos, quatorze députés et sénateurs, majoritairement favorables au texte, se sont donc accordés sur les mesures à conserver. Sans une minute de débat dans l’hémicycle, et sans possibilité d’examiner le moindre amendement.
Une « irrégularité » de procédure ?
Un dévoiement de la procédure parlementaire, condamnée par l’opposition de gauche mais aussi par plusieurs ONG. Les députés LFI, écologistes et communistes fustigent ainsi « l’irrégularité de cette procédure ». Selon plusieurs observateurs, il y a plus de chance que le Conseil constitutionnel censure la loi Duplomb sur ce motif, plutôt que pour des raisons liées à la santé publique ou au non-respect du droit de l’environnement.
Il « pourrait considérer qu’il y a eu là une atteinte manifeste, importante, au principe de sincérité et de clarté du débat parlementaire, puisque la seule assemblée élue au suffrage universel n’a pas eu l’opportunité de débattre », estime Dominique Rousseau, interrogé par l’AFP. Si la loi Duplomb était censurée par le Conseil constitutionnel en raison des conditions de son adoption au Parlement, ce serait historique et cela créerait sans conteste un précédent. La décision rendue ce 7 août est donc à scruter attentivement.
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