La chaîne de télévision Al Jazeera a confirmé ce dimanche 10 août la mort de cinq de ses journalistes dans une frappe israélienne à Gaza, qui a ciblé leur tente devant l'hôpital al-Shifa.
Parmi eux, un correspondant particulier était visé, a confirmé l'armée israélienne: Anas al-Sharif. Israël l'a qualifié de "terroriste" qui "se faisait passer pour un journaliste" pour justifier la cible de cette attaque.
Il "était le chef d'une cellule terroriste au sein de l'organisation terroriste Hamas et était responsable de la préparation d'attaques de roquettes contre des civils israéliens et les troupes" israéliennes, a affirmé l'armée sur Telegram.
Journaliste à Gaza, un "devoir"
Anas al-Sharif était correspondant pour Al Jazeera sur la bande de Gaza. Palestinien de 28 ans, il est né au camp de Jabaliya, le plus grand camp de réfugiés de Palestine, mais sa famille est originaire d'Ashkelon, ville occupée aujourd'hui par Israël. Marié, il était également père de deux enfants.
Reporter bien connu des spectateurs de la chaîne qatarie, il couvrait l'actualité sur la bande de Gaza depuis le début des affrontements entre le Hamas et Israël, en octobre 2023.
Il est décrit par son employeur comme "l'un des journalistes les plus courageux de Gaza", qui est resté sur place pendant les mois où le territoire était assiégé et affamé tandis que les journalistes internationaux étaient interdits d'accès à Gaza.
"Quand une femme s'est effondrée devant l'hôpital al-Shifa alors que j'étais en direct à la télévision, j'ai compati avec elle", a raconté le correspondant dans sa dernière interview, pour Al Jazeera. "Quelques heures plus tard, le porte-parole de l'armée israélienne a publié une vidéo directement à mon encontre, pour que je n'expose pas la famine imposée sur la bande de Gaza."
Anas al-Sharif était conscient de représenter une cible pour l'armée israélienne, alors que plus de 200 journalistes palestiniens ont été tués depuis près de deux ans. La chaîne Al Jazeera a par ailleurs été interdite en Israël en mai 2024, résultat d'un conflit de longue date entre le média et le gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui s'est aggravé pendant la guerre en cours dans la bande de Gaza.
"Ces menaces sont perpétuelles, mais c'est mon devoir. Je montre la souffrance du peuple palestinien parmi lequel je vis, la souffrance que je vis moi aussi."
"N'oubliez pas Gaza"
Ainsi, il a écrit un "testament" et "message final" qui a été posté sur son compte X à l'annonce de sa mort. Ce texte a été écrit en avril dernier et publié ce lundi 11 août. "Si vous lisez ces lignes, sachez qu'Israël a réussi à me tuer et à me réduire au silence."
Avant cela, Anas al-Sharif faisait état d'"intenses" bombardements israéliens sur le territoire palestinien et avait diffusé une courte vidéo montrant des frappes sur la ville de Gaza.
"J'ai vécu la douleur dans tous ses détails, goûté à la souffrance et à la perte de nombreuses fois pourtant je n'ai jamais hésité une seule fois à partager la vérité telle qu'elle est, sans distorsion ni falsification.
Dans son dernier message, Anas al-Sharif appelle les Palestiniens à ne pas abandonner. Il a également une pensée pour sa fille aînée Sham, "la prunelle de mes yeux, que je n'ai jamais eu la chance de voir grandir comme je l'aurai rêvé", son fils Salah, "que j'aurais aimé soutenir et accompagner toute sa vie jusqu'à ce qu'il grandisse assez pour porter mon fardeau et continuer ma mission", et sa femme Umm Salah.
"N'oubliez pas Gaza", conclut le journaliste. Anas al-Sharif est mort aux côtés de son collègue Mohammed Qreiqeh et des trois cameramen Ibrahim Zaher, Mohammed Noufal et Moamen Aliwa.
Comments