"J'ai si peu d'espoir en l'avenir": 4 ans après la chute de Kaboul, le quotidien des femmes sous le régime des talibans

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Leur vie a été bouleversée. Ce vendredi 15 août 2025 marque les quatre ans de la chute de Kaboul (Afghanistan) et de l'arrivée au pouvoir du régime des talibans. Ces fondamentalistes islamistes à l'origine de l'Émirat islamique d'Afghanistan, imposent à ses citoyens la 'charia' (comprenez, la loi islamique) avec une conséquence: la suppression des droits des femmes.

Depuis 2021, près de 90 décrets liberticides ont ainsi été pris dans cette région d'Asie centrale. Il est désormais interdit aux jeunes filles et aux femmes, entre autres, de s'instruire au-delà du secondaire, d'exercer certaines professions, d'apparaître en public, de se promener dans la rue sans leur chaperon ou bien tout simplement de parler à voix haute.

Dernière disposition en date: l'obligation pour les Afghanes de calfeutrer les fenêtres de leurs habitations pour ne pas être vues, faute de quoi elles s'exposent à la condamnation morale du régime. Battues, violées, humiliées et parfois même tuées pour avoir dit 'non' aux hommes et transgressé les règles, ces femmes sont bien souvent contraintes de s'exiler pour vivre leur vie librement. Dans la fuite, l'espoir d'un retour au pays semble alors lointain. Parmi ces femmes, il y a Noor, une étudiante passionnée d'Histoire contemporaine.

"Des milliers de femmes sont mortes, d'autres ont tout simplement peur de s'exprimer ou sont parties ailleurs, à l'étranger", confie Noor*, une étudiante afghane de 30 ans.

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Parce que son quotidien est devenu "invivable", la jeune femme a décidé de rejoindre, en 2023, un camp de réfugiés en Iran. Aujourd'hui, Noor vit seule près de Toronto (Canada), loin de ses proches restés, pour la majorité d'entre eux, en Afghanistan. De ses amies du passé, l'étudiante n'a plus vraiment de nouvelles. "Toutes ont dû sauver leur peau", explique-t-elle résignée.

"Quatre années de brutalité"

"Les victimes de la barbarie talibane ne sont pas uniquement des 'résistantes'. Les talibans ignorent toutes les femmes et tous leurs droits", souligne Samira Hamidi, responsable de campagne régionale pour l'Asie du Sud auprès de l'ONG Amnesty International. Pour cette militante engagée depuis de longues années dans la protection et la sauvegarde des droits des Afghanes, l'arrivée au pouvoir des talibans a provoqué "la disparition généralisée de toutes les femmes" dans l'espace public.

"Il n'y a plus de place pour les femmes nulle part en Afghanistan. Ni dans les instances, ni ailleurs. Il ne faut absolument pas normaliser de phénomène. Il s'agit de quatre années de brutalité", martèle Samira Hamidi.

Depuis 2021, il est en effet interdit aux femmes d'intervenir dans la prise de décisions politiques, d'occuper un poste à responsabilité ou de défendre les droits fondamentaux humains en travaillant, par exemple, au sein d'une association. "Ça, réagit Noor, ce n'est pas le pire. Les femmes n'ont plus le droit de parler ou de chanter, même chez elle... Comment espérer qu'elles puissent tenir des discours en public".

Comme beaucoup de femmes de sa génération et après un énième décret "antivice" adopté par les talibans, Noor a du renoncer à poursuivre ses études chez elle, en Afghanistan. Son rêve de devenir un jour professeur d'Histoire à Kaboul s'est évaporé un matin de décembre 2022.

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"J'apprends qu'on ne peut plus aller à l'Université. C'était trop pour moi, on m'enlevait déjà toutes mes libertés, là, on m'enlevait ce qu'il me restait de plus important", confie la jeune femme.

Pour les Nations unies, la succession de dispositions liberticides du régime islamiste a transformé l'Afghanistan en "terre de non-droit" et réduit les femmes à "une vie faite de murs et de silence".

"Selon l’indice de genre pour l’Afghanistan 2024, le pays accuse un retard qualifié de "catastrophique" en matière d’égalité. Près de 80 % des jeunes femmes sont sans emploi, sans formation, sans école", révélait le 1er juillet dernier, l'organisation mondiale sur son site Internet. "Les femmes n'ont pas énormément de choix qui s'offrent à elles. Au fur et à mesure, celles qui le peuvent fuient vers d'autres pays avec, en tête des choix, la Pakistan et l'Iran", conclut Samira Hamidi. "Ce qu'il faudrait de toute urgence, c'est que les pays du monde entier se saisissent du sujet et ne laissent pas tomber l'Afghanistan."

Effacées de la société

Pour James Elder, porte-parole de l'Unicef, la situation "doit nécessairement être prise au sérieux par la communauté mondiale" et ce, "sans faire de distinction entre les petites filles et les femmes". Afin d'éviter un "apartheid de genre", comme définit par l'ONU.

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En effet, si les enfants sont privés d'éducation ou rencontrent des difficultés pour se rendre à l'école, comme dans certaines provinces où les petites filles n'ont plus le droit d'étudier avant même le secondaire, il y a fort à craindre qu'elle disparaitront complètement de la société.

"C'est une réalité et les dispositions restreignant les libertés varient d'une province à une autre", déplore Geneviève Couraud, secrétaire générale de l'association NEGAR Soutien aux femmes d'Afghanistan et ancien membre du Haut conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. "C'est d'ailleurs un argument pour étendre des règles de plus en plus punitives sur l'intégralité du territoire afghan: on part du principe qu'une restriction fonctionne au Pandjchir donc on va l'appliquer également à Kaboul, et inversement."

"Les femmes ne peuvent plus être sage-femmes, infirmières ou médecins. Et comme elles ne peuvent pas s'adresser à un homme si elles sont malades, on en vient à une situation extrême où elles n'ont plus du tout la possibilité de se soigner", confie Geneviève Couraud.

Le système se nourrit de lui-même et s'empire donc à l'infini, sans qu'il ne soit envisageable pour les Afghans de réagir en conséquence. "Et puis cela donne l'impression que le processus suit une logique à la fois juridique et humaine. Il n'en est pourtant rien", explique Geneviève Couraud. "Il faut impérativement regarder ce qu'il se passe sur place, rappelle quant à lui James Elder, l'accent doit être mis sur l'éducation des petites filles et des petits garçons, pour que la femme ait une place dans la société."

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Le 23 juin dernier, l'ONU faisait état d'une très grave crise humanitaire dans la région actuellement (un Afghan sur 5 souffre de la faim et 3,5 millions d'enfants souffrent de malnutrition aiguë); crise qui a pour conséquence d'accentuer les difficultés rencontrées par les femmes au quotidien.

"La répression s’est systématisée, s’inscrivant désormais dans des structures et des lois", dénonçait également Sima Bahous, directrice d'ONU Femmes, sur le site Internet de l'organisation.

"J'ai si peu d'espoir en l'avenir et j'ai peur pour celles qui restent là-bas, enfermées par les hommes de leur famille. C'est comme ça maintenant: pour s'en sortir il faut se battre tout le temps, y compris avec son propre cercle intime", confie Noor.

En février 2025, 200 établissements de santé fermés ont été dénombrés en Afghanistan. En cause, le retrait progressif de l'aide humanitaire internationale en lien avec des litiges diplomatiques au sein même du Conseil de l'ONU.

*Le prénom a été modifié.

Article original publié sur BFMTV.com

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